LA COMEDIE FRAMBOISE
CREATION 2023
JE SUIS GRÉCO
Resumé
Qui êtes-vous Juliette Gréco ? Cette vertigineuse question se retrouve au cœur de la première pièce de théâtre coécrite par Mazarine et Léonie Pingeot, un étonnant spectacle musical et halluciné où apparaît une Gréco qui se dévoile et se dédouble. Incarnée deux interprètes, elle rejoue de façon éclatée les scènes et les refrains qui ont marqué sa vie. Deux voix pour questionner l'identité d’une icône. Les chansons de Brel, Prévert ou Sagan surviennent et apportent tout à la fois l’élégance et la pudeur à l'itinéraire d'une artiste hors du commun. Mais plus que tout, c’est sa liberté qui frappe. Une liberté dont l’écriture s’empare alliant surréalisme et intimisme, violence et poésie, pour toucher au plus près la figure protéiforme de l’artiste.
Comment la raconter ?
L’interview qu’elle donne dans l’émission Radioscopie de Jacques Chancel en 1973, a été notre point de départ tant elle est surprenante de théâtralité. La tension y est palpable : dans ses silences, sa répartie, ses pirouettes, son humour et sa poésie, Juliette Gréco apparaît en lutte permanente pour justifier son existence. Cette sorte d’interrogatoire qu’elle subit face à Jacques Chancel a été notre source pour écrire ce spectacle et tenter d’approcher son intimité sans en faire un récit linéaire ni un biopic.
Identité
L’écriture questionne le dispositif de l’identité à trois niveaux:
Celle d’une interprète - qu’est-ce que refléter le désir des autres ?
Celle d’une icône - qu’est-ce qu’être figé dans une image ?
Celle de l’intime - qui était cette fille quasi mutique qui va devenir la voix de tous les auteurs ?
Dualité
Au fond nous sommes faits de toutes les voix qui nous traversent. Pour l’interprète, ces voix se brouillent. On ne veut pas que nos comédiens "ressemblent " à Juliette Gréco. D’autant que l’écriture joue déjà autour d’une confusion entre « jouer » et « être ». Juliette Greco sera donc jouée par deux interprètes. Deux voix pour Juliette Gréco, , pour représenter sa dualité, sa complexité et asseoir d’emblée le fait que l’identité est multiple. Un savoureux mélange de grande féminité, de masculinité et d’étrangeté. Recréer à deux, une créature pour tenter d’approcher son aura. Et de l’autre côté, parce que toute femme est requise un jour ou l’autre de rendre compte de sa position, de ses choix, de sa légitimité, c’est un seul et même comédien qui incarnera les différents visages de l’inquisition : d’où son nom, l’inquisiteur.
"Une chose qui peut prêter aux rêves"
Ce qui frappe, c’est l’enjeu universel de la figure de Juliette Gréco.
Juliette veut qu’on lui fiche la paix sur sa vie et son image. Malgré elle, elle dégage une lumière à nulle autre pareille, le diamant pur et timide derrière le noir de ses tenues. Elle nous parle d’elle et s’adresse à ce qui en chacun de nous est blessé. En elle, résonne ce passé de petite fille abandonnée, seule et fragile que sa voix grave et son phrasé assuré semblent contredire. Et c’est le courage qui l’emporte, parce qu’elle fait le choix de la vie contre les préjugés, combattante discrète, guerrière amusée, elle ne lâche rien.
Greco devient une véritable profession de foi, un projet humaniste, notre guide, à la fois discrète et populaire. On parle d’humanité, de liberté et de ce rêve qu’est l’existence.